Eveiller enfants et adultes à la Spiritualité laïque dans une France Laïque

Publié le par LHEUREUX GUY

                    QU’EST-CE QUE LA SPIRITUALITE LAIQUE? 

     ESSAIS DE DEFINITIONS  ®

 

Tout élève-chercheur qui cherche sa double voie (voix) de chercheur  se doit de solidifier sa quête euristique en tissant des fondements théoriques aux concepts et aux valeurs qu’il utilise dans ses développements et l’exposé des mobiles de sa recherche. Voici donc quelques éléments de compréhension du concept « spiritualité laïque » et qui fait partie du travail engagé depuis quatre années. Ces textes et réflexions seront complétés au fil de ma recherche. Bonne lecture à vous! Guy Lheureux, Docteur es Sciences de l'Education -(ci-joints quelques extraits de l'ouvrage sur  "Les valeurs humaines peuvent-elles sauver notre monde et notre futur?")- 

 

 

I. QUELQUES DÉFINITIONS SUGGÉRÉES

2 questions  sur le sens des mots qui composent cette expression:  a.Qu’est-ce que la spiritualité?  b.Qu’est-ce que la laïcité ?

 

-la spiritualité caractérise la vie de l’esprit, une activité spirituelle liée aux questions métaphysiques. Elle peut soit être dépendante d’une religion, soit être une construction indépendante de la personne, non soumise à un dogme, venant de l’intuition ou d’une inspiration ou d’une conviction personnelle.

 

-la laïcité est le caractère de ce qui est laïque, c’est-à-dire de ce qui n’appartient pas à la religion, mais à une pensée libre de tout dogme, ouverte, tolérante, positive et constructive. Nous sommes donc conduits à caractériser l'idée de laïcité par l’élimination du religieux de tout ce qui ressort des règles politiques de la vie publique, dans une société où les citoyens sont libres de leurs choix métaphysiques, donc de leur spiritualité : la liberté de conscience des citoyens étant ainsi garantie par la laïcité admis comme espace de tolérance, et d’acceptation des différences. Henri Pena-Ruiz la considère comme une valeur à la fois universalisable, essentielle, et fondamentale dans la pensée philosophique du 21ème siècle.

 

-la spiritualité laïque pourrait alors être considérée de deux façons:          

                          

a. Comme une réflexion personnelle construite par un esprit indépendant non soumis à une religion, qui a construit en toute liberté ses pensées métaphysiques, par inspiration ou conviction.

 

 b.Comme une réflexion personnelle émanant d’une pensée religieuse personnelle non soumise à un dogme, comme un accès à une transcendance mais indépendante de toute philosophie religieuse imposée de l’extérieur.

 

En bref, la spiritualité laïque peut donc être considérée comme une réflexion philosophique construite par un esprit indépendant qui peut porter sur un objet métaphysique ou sur la vie tout court, ou encore sur un sujet éthique ou moral…Les sujets ou les objets d’une spiritualité laïque ne manquent pas ! Quelques exemples : sujet métaphysique : « que devient notre esprit après notre mort » ; sujet sur la vie : « quelle est cette énergie qui nous anime et décide à notre place quand nous inspirons et quand nous expirons pendant notre sommeil? Sujet sur la morale : « mon comportement est-il empreint de sagesse dans telle situation? » On voit bien qu’on n’a pas besoin de Dieu ou de transcendance pour s’interroger sur la sagesse ou questionner la morale : le sage n’a ni besoin de religion, ni besoin de l’athéisme pour développer ses interrogations ou nourrir les réflexions de sa spiritualité, qui est considérée ici comme laïque, ou laïcisée.

 

 

  II.

2ème étape : Recenser les définitions de la spiritualité laïque, proposées par des philosophes ou des auteurs spécialisés, ainsi que des chercheurs thématiques, et ce depuis 20 ans.

  

-1. Une réflexion personnelle sur les questions de métaphysique, exempte de tout lien avec un  dogme ou une religion.

 

-2. Une recherche personnelle de la sagesse en lien avec notre intériorité et un travail d’ascèse sur les choix qui seraient « bons pour nous » au niveau de notre comportement.

 

-3. Une pensée ou réflexion philosophique, personnelle et laïque, sur les questions fondamentales qui se posent à l’être humain : « Quelles sont, pour nous, les valeurs fondamentales dans notre vie », « Quel est le sens de notre existence ? », « Que devient notre conscience après notre mort physique ? », « Est-il préférable d’être bien intérieurement plutôt que riche ? », etc.

 

-4. Un travail et un comportement qui nous permettrait d’accéder à une transcendance, ou d’être moins mal, en dehors de toute religion, donc un ensemble de traits qui, tout-à-la-fois définissent la spiritualité laïque, mais participent également à ses objectifs  (« mieux-être intérieur », ou « accès à une transcendance », ou un souci, une recherche pour accepter ( ou tenter de comprendre ?) ce qui nous « dépasse» ou que la science ne peut expliquer. Les traits les plus fréquemment recensés de cette spiritualité laïque sont les suivants : écoute intérieure, sentiment d’être « relié », travail d’amenuisement de l’ego, acceptation de ce qui est ou de ce qui advient, importance du moment présent sans conditionnement au passé ou angoisse du futur, recherche d’un bien-être intérieur , un « travail » ou une « ascèse » permettant d’évoluer, de chercher, de se transformer, mais aussi une approche de la notion de « sacré » laïcisée…

 

-5. En tant que élève-chercheur, je m’efforce donc, ici, de définir la spiritualité laïque comme un travail de l’esprit permettant de redonner du sens à son existence, à « ré-enchanter notre vie au sens du philosophe anglais Pierre Berger 5,ouvrir son psychique à d’autres dimensions possibles dans une métaphysique sans lien ni dépendance avec la religion, que l’être humain effectue un travail d’ascèse lui permettant à la fois de poursuivre un triple chemin de construction de son « identité spirituelle et laïque » redéfinir les valeurs philosophiques fondamentales qui « font sens dans son action », s’autorisant à chercher des solutions aux questions restées sans réponses par la science et la raison, et s’orienter vers un chemin de sagesse qui permettrait à l’enfant d’aujourd’hui et à l’homme de demain de « persister à croire en l’humanisme » au niveau des valeurs humaines permettant la survie de notre espèce, la solidarité intergénérationnelle, redécouvrir le merveilleux en soi, et reconnaître l’importance de notre vie intérieure ». Sans oublier l’incontournable et l’indispensable, laïcité, valeur fondamentale et universelle, définissant un espace de tolérance et d’ouverture, et une exigence d’autonome de l’esprit humaine vis-à-vis des dogmes. Pour illustrer cette définition que je construis avec l’aide de chercheurs et philosophes ayant travaillé sur ce nouveau concept, je propose des extraits de leurs prises de position, entre Ricœur et Gaucher, Lenoir et Bergeron, Berger et Foucault, Pena-Ruiz et Descombes dont vous trouverez l’expression ci-dessous.                                                                                                     

                                                     

III. 3ème étape.

 Rappeler les fondamentaux théoriques d’une recherche qui explore : voici des extraits de définitions et d’écrits sur la spiritualité laïque avec les références des auteurs et philosophes me paraissant incontournables.

 

Richard Bergeron : « La spiritualité n’est pas l’apanage des chrétiens ou de certains d’entre eux. Elle est le fait de la personne authentique qui est capable de donner un sens au monde et à l’histoire. Aussi longtemps que l’être humain cherche sa propre densité dans l’accomplissement de ses besoins primaires et de ses appétits physiques et que sa vie est dominée par le souci d’être en bonne santé, de procréer, de dominer et de s’amuser, il n’est pas encore spirituel. On accède au spirituel lorsqu’on découvre une dimension « autre », celle de l’amour, de la connaissance, de la liberté, de la compassion, de la conscience de soi et qu’on cherche à se réaliser humainement en prenant le chemin du divin en soi. La spiritualité ne vise pas à définir le rapport de soi à Dieu, mais le rapport de soi à soi ; elle s’occupe avant tout du rapport avec soi-même. Parler de spiritualité, ce n’est pas parler de quelque chose hors de soi, c’est parler d’un rapport au monde qui est le sien. La spiritualité de l’avenir ne sera conçue que dans une perspective anthropologique. Pour parler à l’homme de demain, elle devra se présenter comme une option fondamentale de la vie et un horizon signifiant de l’existence.»1

 

 

Paul Ricœur :

« Ne peuvent survivre que des spiritualités qui rendent compte de la responsabilité de l’homme, qui donnent sa valeur à l’existence matérielle, au monde technique et, d’une façon générale à l’histoire. Devront mourir les spiritualités d’évasion, les spiritualités dualistes [...] En général, je pense que les formes de spiritualité qui ne peuvent rendre compte de la dimension historique de l’homme devront succomber sous la pression de la civilisation technique. »2

 

 

Marcel Gauchet :

il rappelle que la réflexion sur la problématique de la quête du sens amène à développer le questionnement engendré par la spirale individualiste moderne. La perte du sens religieux, qui est affirmée par le rejet de toutes les références mythiques au profit de la dictature de la raison, ce désenchantement du monde,  a sapé toute la richesse et la puissance de l’imaginaire. Marcel Gauchet a une lecture de la religion et du phénomène de la laïcité au niveau des dynamiques sociales et politiques qui retient que l'enjeu n'est nullement dans le fait de la croyance, mais dans le statut des religions, dans l'organisation de la société et de ses pouvoirs.  Il vise à l'avènement d'une configuration politique et sociale où les hommes se seraient libérés des puissances tutélaires du sacré. Le problème est bien celui de l'autonomie et de l'indépendance politique et sociale des sociétés modernes.3

 

 

Peter Berger .

Ainsi, la spiritualité contemporaine, (et laïque) s’inscrit dans ce que Peter Berger appelle le « ré – enchantement du monde »5: la volonté de retrouver à nouveau des explications permettant de comprendre le monde dans lequel on vit, sans laisser des vides à combler comme le fait la science moderne. « For it is not enough to know “what is”. It is also important, if human experiences are indeed to be rendered meaningful, that people should know exactly what they are meant to feel about the picture of life and the universe that has been presented to them.5» En un mot, c’est du sens dont on a besoin pour bien vivre en société, dans le monde.

 

Henri Pena-Ruiz

 

Michel Foucault

La position de Foucault sur spiritualité et spiritualité laïque est présente grâce à une synthèse des travaux de Filliot Philippe (7) , Pierre Hadot, ou Nicolas Bourriot, comme lecteurs de Michel Foucault.-6 Nous adhérons à cette présentation définitionnelle sous forme de grandes caractéristiques communes à la spiritualité : travail de soi sur soi-même, qualité de l’être-au-monde, harmonie corps-esprit renvoyant à la totalité de l’être.

 

 

Michel Mafessoli

« Dans la spiritualité laïque, il y a cette démarche de reliance, ce besoin de religiosité débarrassé de ses scories religieuses, cette nécessité d’accepter et de mettre en scène le non-rationnel, la part d’intimité et de sacré en soi qu’il s’agit de faire vivre, grâce à une volonté de congruence avec les autres, comme le renouveau d’une nouvelle forme de générosité, composée de compassion et de volonté de s’entraider, d’être solidaire. »4

Il y a un « sacré qui se fragmente » dans une société qui se cherche spirituellement, qui se définit non plus dans une harmonisation et standardisation liée à une hiérarchie pyramidale dépassée, mais dans une individuation enrichie par une intériorisation. Face à une société castratrice d’une liberté de pensée, se sont accouchés des besoins de spiritualité nouvelle, et l’on constate des expériences et des exercices d’intériorisation en recherche d’une sérénité ou d’un mieux-être, qui renvoie aux racines.

 

 

Références:

(1)     Pour une spiritualité du troisième millénaire » Richard Bergeron

(2)   In Revue Esprit, Numéro de juillet-Août 1965, dans l’article : « Tâches de l’éducation ») Paul Ricœur

(3)   In « «Le désenchantement du monde - Une histoire politique de la religion» Gallimard, 1985) Marcel Gauchet

(4)   Michel Mafessoli : « Le réenchantement du Monde »

(5)Peter L. Berger: «La désécularisation du monde : un point de vue global », dans Berger, Peter L (ed.), Le réenchantement du monde, Paris, Bayard éditions, 2001, p.13-36. On ne peut pas ne pas penser, dans les programme pédagogiques proposés en classe, de réintroduire l’ouverture au « merveilleux », (réapprendre à l’enfant à s’émerveiller) devant les beautés du monde, du corps humain, de la nature, des peuples premiers, etc.(voir partie pédagogique in futur ouvrage lié à la thèse)

 (6) Les descriptions et synthèses ici renvoient aux ouvrages de Michel Foucault suivants: « L’Herméneutique du sujet, Cours au collège De France 1981-1982 » Editions du SEUIL, 2002) et les travaux de Pierre Hadot sur les « exercices spirituels dans la philosophie antique.» (Albin-Michel, 2002)

(6) Foucault Michel, in « L’Herméneutique du sujet,  page 39 

(7) Filliot Philippe, in Conférence/ « Education et spiritualité : Essai d’approche avec Michel Foucault » dans son ouvrage :"La philosophie comme manière de vivre", Albin Michel, 2001, p141).

 



 

 

 

 

 

 

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